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PRÉFACE.

part de responsabilité, de pénétrer, autant qu’il est possible, les raisons secrètes de sa conduite indécise et embarrassée, de déterminer enfin la mesure et le caractère d’une influence qui fut peut-être moins restreinte que lui-même ne l’eût souhaité. Ce sont là des questions délicates à résoudre, mais auxquelles ne saurait se dérober l’historien de la Réforme.

Aussi est-il permis de s’étonner que les études critiques sur un personnage qu’il n’a pas semblé excessif de nommer le Voltaire de la Renaissance soient longtemps demeurées, en France du moins, incomplètes ou superficielles.

Dans la seconde partie du seizième siècle, le nom d’Érasme demeure célèbre, mais on cite l’érudit plus qu’on ne connaît l’homme. Au dix-septième, la curiosité des critiques se resserre autour de cette question : quelle fut sa foi religieuse ? C’est à peine si dans quelques pages rapides, mais expressives, de Bayle, ou encore dans quelques traits de Gui Patin, le lettré de la Renaissance, l’homme lui-même, avec sa physionomie vive et railleuse, sortent un instant de l’ombre qui les enveloppe. Ses œuvres philologiques, d’une allure si libre, où l’érudition est souvent égayée par de vraies causeries morales et littéraires, se transforment en dictionnaires utiles à consulter, soigneusement débarrassés des digressions qui donnaient à la science d’Érasme un attrait piquant. On profite de ses travaux d’exégèse, mais en relevant sans pitié les fautes qu’il a commises, sans