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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

toujours l’esprit attaque cette manière substantielle d’être, cette foi religieuse, ces mœurs nationales, ces opinions traditionnelles ; oui, c’est l’était qui les attaque et les fait chanceler (I. 66). »

Bien que professeur royal décoré dans l’état le plus bureaucratique de l’Allemagne, Hegel attaque les gouvernants : « Vivre en sommeillant, en employé et bureaucrate, c’est une existence qui ne nous est pas essentielle : l’homme ne doit pas être valet ni esclave (II, 118). » — « Chaque nation est obligée de changer sa constitution politique pour la rapprocher de la véritable. L’esprit de la nation quitte un jour les souliers d’enfant, et c’est précisément dans la constitution qu’il a acquis connaissance de lui-même. Il brise impitoyablement par le peuple soulevé l’ancien droit ; si l’idée et la réalité vont en divergeant, quelquefois aussi, avec une certaine tranquillité, l’esprit change la loi devenue vieille et décrépite ; il passe outre (II, 118). » « Mais si un gouvernement ignore le vrai, s’il s’accroche aux institutions temporaires, s’il protège le non-essentiel contre l’essentiel, alors ce gouvernement sera bouleversé par l’esprit qui marche en avant. Une existence temporaire qui n’a plus de vérité, et qui est assez effrontée pour vouloir se maintenir, doit être abolie ; cela s’ensuit de l’idée de la constitution. » — « L’esprit de notre époque a arboré un principe universel, qui consiste a maintenir les produits vivants de la force intérieure, et à refouler les produits morts de la force extérieure ; l’autorité est rejetée comme non apte, comme devenue un hors-d’œuvre (III, 328). » De là l’enthousiasme sincère que Hegel éprouve pour la première révolution française (Philosophie de l’hist., 441) : « Dans l’idée du droit, on y a érigé une constitution ; sur ce fondement, tout, selon la volonté de ses initiateurs, devait désormais être basé. Depuis que le soleil est au firmament, entouré des planètes qui font autour d’elle leur rotation, on n’avait pas encore vu ce que l’homme fit dans la révolution française : il se mit pour ainsi dire sur sa tête[1] (i) en se mettant dans la tête d’organiser la société d’après la pensée, de modeler la réalité d’après l’idée. Anaxagore avait le premier dit : le Noous gouverne l’univers ; mais dans la révolution des français, l’homme a reconnu pour la pre-

  1. En allemad il y a ici un jeu de mots très spirituel. (Note du traducteur.)