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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

mations à la façon théologique, enfin avec des pauvretés quelconques, mais avec des raisons, et surtout des raisons que mon livre n’ait pas déjà détruites à coups de psychologie et de logique.

Je distingue deux éléments dans la religion : celui qui est humain et celui qui ne l’est pas. De là, deux parties bien différentes dans mon livre : la première, affirmative ; la seconde, négative ; toutefois, elles arrivent à la même conclusion par deux voies différentes. La première est l’analyse faite de la substance religieuse elle-même, l’analyse de tout ce qu’il y a de vrai en fait de religion ; l’autre partie du livre est l’analyse des contradictions religieuses, l’analyse de tout ce qu’il y a de faux dans la religion. la première partie n’est qu’une explication, la seconde est polémique d’un bout à l’autre ; aussi la phrase, qui se ressent toujours de l’objet qu’elle traite, est pacifique dans la première partie, animée, belliqueuse dans la seconde.

Dans la première je développe cette thèse : « Que le vrai sens de la théologie est l’anthropologie » ; cela veut dire, qu’il y a identité entre les attributs de la nature divine et ceux de la nature humaine, et, par conséquent, entre la personne divine et la personne humaine, entre le sujet divin et le sujet humain. En effet, d’après l’analytique d’Aristote, ou même l’introduction de Porphyre, toutes les fois que les attributs ne sont point des qualités, des propriétés fortuites, des accidents indifférents du sujet, mais qu’ils expriment bien au contraire la nature intérieure et réelle de leur sujet, il n’y a plus de différence entre l’attribut et le sujet, et tout ce qui est dit de l’un, est nécessairement dit en même temps aussi de l’autre ; en un mot, il y a entre l’un et l’autre identité complète. J’en ai fait l’application à la religion.

Dans la seconde partie, je démontre que toute différence établie entre les attributs religieux, théologiques et les attributs anthropologiques, aboutit évidemment à un non-sens et se réduit à zéro. Ainsi, dans la première partie du livre je prouve que, pour la religion, le Fils de Dieu est réellement un fils engendré, qu’il est Fils de Dieu dans le même sens comme on dit qu’un homme quelconque est le fils de son père, et je reconnais que la vérité de la religion consiste précisément à avoir présenté et affirmé comme divine, une relation simplement humaine. Dans la seconde partie, au contraire, je prouve que la théologie n’entend point le mot dans le