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RÉPONSE À UN THÉOLOGIEN

du moi, à la mémoire, à la raison, à l’âme, a la volonté de son Dieu, qu’à ses pieds et à son escabeau. M. J. Muller prouve malgré lui par cette objection théologique l’immense supériorité du point de vue philosophique ; sa théologie ne s’élève pas même, à ce qu’il paraît, au-dessus de l’escabeau de Dieu…

Il substitue, en outre, le mot théologie au mot religion, et il me fait dire des choses erronées ; pour moi, j’ai insisté très souvent sur la différence qu’il y a entre l’une et l’autre. La religion est une aliénation non spontanée, involontaire, que l’être humain fait de lui-même, tandis que la théologie en est l’aliénation volontaire, préméditée, réfléchie et raffinée ; inutile de lui répéter ici ce que j’entends par aliénation. — Il attaque le passage « Plus les hommes ont nié et renié ce qui appartient à leur nature, plus leur Dieu s’en est revêtu, » en disant avec ironie : « L’auteur aurait bien fait de démontrer ici le spiritualisme religieux des païens, qui, d’après cette thèse, aura été très pur, parce que leurs mœurs ne l’étaient point. » À ceci je réponds : Les anciens chrétiens qui menaient une vie parfaitement ascétique, avaient des idées religieuses peu idéalistes, ils parlaient d’une résurrection charnelle, d’un Dieu charnel, et ce n’est que beaucoup plus tard que ces idées se purifiaient, se spiritualisaient, lorsque la négation ascétique de la vie réelle avait cessé de régner ; un réalisme raisonnable dans la vie se reflète nécessairement en idéalisme raisonnable dans l’esprit ; tandis qu’un idéalisme outré, un spiritualisme déraisonnable dans la vie, devient un réalisme outré, un matérialisme déraisonnable dans l’esprit. Ainsi, le Nouveau-Testament remplace le Jehova des Hébreux par tout ce qu’il y a de plus réel pour l’idée humaine, par un Père, un Fils et une Mère ; les adorateurs de Jehova étaient en même temps beaucoup moins spiritualistes dans la vie que les adorateurs de la Trinité. Comparez-y aussi l’Islam, bref, toutes les religions qui se disent révélées. — M. J. Muller s’étonne de voir le mystère de la nature en Dieu rangé dans mon livre parmi les autres mystères de la théologie spéculative, et s’écrie « Voulez-vous rendre le christianisme responsable de toutes les extravagances spéculatives et théosophiques nées sur son terrain historique, alors vous ferez bien de lui imputer aussi les doctrines de M. L. Feuerbach. » Je prie mon interlocuteur de me montrer un passage où j’aurais fait un reproche au christianisme du Logos, qui signifie la force