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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

minum opinionem ; ita enim patrem et matrem dicitur ignorasse in infantia, quia ita se gerebat et habebat ac si agnitionis expers esset (Petrus Lombard., ibid., c. 2). » — Et Ambroise : « Ut homo ergo dubitat, ut homo locutus est. » — « His verbis innui videtur, quod Christus non inquantum Deus vel Dei Filius, sed inquantum homo dubitaverit affectu humano. Quod ea ratione dictum accipi potest : non quod ipse dubitaverit, sed quod modum gessit dubitantis et hominibus dubitare videbatur (Petr. Lombard., ibid. Distinct., 17, c. 2). »

J’ai démontre dans mon livre le vrai et le faux de la religion, ou plutôt de la théologie. En d’autres termes, j’ai expliqué l’identité de Dieu et de l’homme, c’est la vérité de la religion ; j’ai aussi expliqué leur non-identité, c’est l’erreur de la religion. Vérité est la religion là où elle admet et affirme les qualités essentielles de l’homme comme autant de qualités divines ; mensonge est la religion là où, devenue théologie, elle nie et maudit les qualités essentielles de l’homme, là où elle arrache Dieu des entrailles de l’homme ; là où elle place une essence divine vis-a-vis de l’essence humaine. En agissant de la sorte, elle donne le signal de la lutte implacable et éternelle entre les deux extrêmes.

En agissant de la sorte, elle élève la moitié de l’essence humaine aux hauteurs sublimes mais fantastiques de l’exaltation la plus enivrante, tout en repoussant l’autre moitié dans la fange bien au-dessous de l’animal. De là cette accusation triviale qu’elle ne cesse de proférer contre la philosophie : « Tu as, dit-elle, voulu égaler l’homme à son créateur, et tu as par là ravalé l’homme au-dessous de la brute » ; comme la théologie voit toutes les choses à l’envers, elle doit nécessairement crier à l’interversion, quand celles-ci font mine de se replacer sur leurs pieds. Elle accuse donc forcément la philosophie du crime qu’elle commet elle-même. J’avais prouvé dans le commencement de mon livre que la Passion du Dieu chrétien contient une vérité ici, je n’ai presque point eu besoin de prouver qu’elle n’en est pas une, car les théologiens que je viens de citer, m’ont épargné cette peine : eux-mêmes disent que la Passion du Dieu chrétien, le plus grandiose de tous leurs nombreux mystères, n’est qu’une fiction psychologique. Et bien ! j’ai donc eu raison de dire que le principe suprême de la théologie chrétienne est l’hypocrisie et rien que l’hypocrisie. Le Théanthropos en