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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

diose, mais c’est atroce : « Qu’y a-t-il entre moi et vous ? Est-ce que j’ai de tous autre chose que du péché et de la misère ? dit un fils à son père. Et Bernard ajoute Épist. 104 ; Épist. 351 ad Hugonem nocitum) : Oui, mépriser sa mère est une action impie, mais la mépriser pour le Christ est une action éminemment pieuse. — Audi sententiam Isidori : multi canonicorum, monachorum… temporali salute parentum suorum utilitatem procurant, a Dei amore se separant (de modobene vivendi. S. VII).  » — « Tout homme croyant, accepte-le comme ton frère (Sermon XIII). » — Pierre Lombard dit : « Selon Ambroise, nous avons le devoir d’aimer bien plus les enfants que nous baptisons que ceux que nous engendrons charnellement (VI, Dist. 6, c. 5. Addit. Henric. ab Varim.). » Mélanchthon dit de même (Loci de bapt. II) : « Nous naissons enfants avec le péché, nous ne devenons héritiers de la vie éternelle que par la rémission du péché… Or, comme il y a du péché dans les petits enfants (chose qui est hors de doute), nous en inférons une différence entre les petits enfants des païens, qui manent rei, et les petits enfants des chrétiens, qui recipiantur a Deo per ministerium. » Comparez le passage de Buddéus sur l’amour orthodoxe que j’ai cité plus haut. Et enfin, le concile de Carthage n’avait-il pas déjà décrété (Summa Carranza : III, can. 13. IV, can. 72) qu’un prêtre ne devrait plus faire de donations à un parent païen ? «Ut episcopi vel clerici in eos, qui catholici christiani non sunt, etiam si consanguinei fuerint, nec per donationes rerum suarum aliquid conferant. Cum haereticis nec orandum, nec psallendum. »

Le protestantisme a le mérite d’avoir proclamé plus hautement que le catholicisme, et avec une effrayante naïveté le principe suivant : la foi, c’est la religion, l’amour n’a donc pas la moindre importance religieuse[1]. Le protestantisme a pour

  1. « En Italie comme en Allemagne il se fit au commencement du XVIe siècle une opposition contre le papisme ; en Italie elle naquit de la littérature, des beaux-arts, des sciences, et en Allemagne du sein des études théologiques les plus profondes et les plus sévères ; en Italie cette opposition était mécréante et négative, en Allemagne elle était croyante et affirmative ; là elle fit sauter le fondement déjà ébranlé de la Vieille Église, ici elle fit tout pour le rétablir ; là elle pétillait de verve ironique et de fougue satirique, mais elle céda enfin à la force brutale ; ici elle était toujours sérieuse, austère, et remplie