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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

qui est partout, qui est continu dans lui-même, qui se pénètre lui-même ; voilà la signification profondément naturelle du baptême, et cette signification est aussi rationnelle que belle, Mais prenez garde : elle est déjà niée, elle fait place à une signification hyper-physique ; l’eau, dit-on, ne devient baptismale que par l’influence hyperphysique du Saint-Esprit ; la qualité naturelle n’y signifie plus rien, et celui qui transforme l’eau en vin peut aussi bien donner la force baptismale à un liquide quelconque, à une matière quelconque. En un mot, le Baptême ne s’explique que par la notion du miracle.

La contradiction qui nous frappe dans les saints sacremens, est celle du naturalisme et du supranaturalisme. Ainsi, dans le Baptême, on commence par relever fortement la notion de l’eau : « Si quis dixerit aquam veram et naturalem non esse de necessitate baptismi, atque ideo verba illa Domini nostri Jesu-Christi : Nisi quis renatus fuerit ex aquâ et Spiritu Sancto, ad metamorpham aliquam detorserit, anathema sit, » ordonne le concile de Trente (Sessio VII, can. I de Bapt.). Pierre Lombard dit (IV. Distinct. 3. I. c. 5) : « De substantià hujus sacramenti sunt verbum et elementum… Non ergo in alio liquore potest consecrari baptismus nísi in aquâ. » —  « Ad certitudinem baptismi major quam unius gutta quantitas… Necesse est ad valorem baptismi fieri contactum physicum inter aquam et eorpus baptizati, ita ut non sufficiat, vestes tantum ipsius aqua tingi… Ad certitudinem baptismi requiritur, ut saltem talis pars corporis abluatur, ratione cujus homo solet dici ablutus, col-lum, humeri, pectus, et præsertim caput (Théol. Schol. P. Metzger. Aug. Vind. 1695, tome IV, p. 230-231). » – « Aquam, eamque veram ac naturalem in baptismo adhibendam esse, exemplo Joan-nis… non minus vero et Apostolorum, Act. 8, 36 ; 10, 47, patet (F. Buddeus, Comp. Inst. Th. dogm. IV, c. 1, § 5). » L’eau est donc essentiellement nécessaire pour baptiser ; mais non, l’eau n’est point nécessaire, ajoute la religion, d’après son habitude de dire oui et non à la fois. Luther, le théologien par excellence, lui qui, dans son incomparable naïveté, trahit les secrets les plus intimes de la religion, dit dans son catéchisme : « Ainsi, sachez ceci : l’eau baptismale est une eau infiniment différente de toute autre eau ; ce n’est plus l’eau dont il s’agit, quelque chose de plus sublime s’y ajoute : Dieu en personne se met en rapport avec cette eau… comme