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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

rait-il en avoir plus de deux ? Il n’y a que deux élémens essentiels dans le christianisme, ce sont la Foi et l’Amour, car l’Espérance y est un appendice aussi antilogique et partant aussi superflu que le Saint-Esprit dans la Trinité. La Dualité est la vérité : Amour—Foi ; pour y intercaler votre espérance, vous ne faites que mettre votre foi du présent dans le temps futur. L’Espérance chrétienne n’est réellement rien autre chose que la foi de l’avenir, et vous n’avez point le droit d’en faire une personnalité.

L’identité de l’essence de la religion telle que nous l’avons interprétée, avec les sacremens se montre déjà clairement, quand nous considérons ce qui fait leur base, Nous trouvons que cette base est formée par des matières naturelles, revêtues d’une signification contre-nature ; le Baptême est fondé sur un liquide des plus ordinaires, sur l’eau naturelle que la religion nous donne pour une eau surnaturelle. Cette eau baptismale ne nettoie pas la peau ; elle est un lavacrum regenerationis, comme disent les anciens ; elle expulse le Démon inné à l’homme ; elle purifie l’homme du péché originel, elle le concilie avec Dieu. Cette eau miraculeuse n’est donc naturelle qu’en apparence ; elle trompe nos yeux, elle cache en elle un sens hyperphysique. Mais écoutez la religion ; elle vous dit que cette eau surnaturelle est en même temps naturelle ; le baptême, pour être efficace, a absolument besoin d’être fait avec de l’eau composée d’hydrogène et d’oxygène dans les proportions naturelles. D’où suit que la qualité naturelle d’eau baptismale est importante ; si elle ne l’était pas, on pourrait baptiser avec du vin, avec de l’huile, avec du lait. Dieu pourrait assurément donner la force miraculeuse ou baptismale à un autre liquide quelconque ; il ne le veut pas ; il s’accommode, dans sa condescendance et dans sa bonté paternelles, à la qualité naturelle du plus vulgaire de tous les liquides ; Dieu aime donc à laisser subsister un simulacre de nature. Il y a une ombre de naturalisme dans les miracles : le vin rouge, c’est le sang de Dieu, le pain, c’est sa chair, ce qui est exprimé d’une manière générale par Pierre Lombard (IV, Dist. I., c. 1) : Sacramentum ejus rei similitudinem gerit, cujus signum est. Et, certes, nous n’y trouvons rien à reprocher : l’eau est, en effet, le liquide le plus universel, le corps vivant lui doit en partie son volume, le globe terrestre en est couvert en majeure partie ; l’eau pure et limpide est un noble symbole de l’Esprit divin sans taches et sans différences, de cet Esprit