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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

sévérait théoriquement ainsi sur un point de vue extra-mondain, car la trivialité est bien quelque chose au dessous de la vraie nature ; tandis que pratiquement la théologie prépara le bâillon et le bûcher, et flétrit du nom d’athées Giordano Bruno et Taurellus. Leurs écrits, coupables d’athéisme précisément dans le même sens comme d’autres écrits, en d’autres temps, sont accusés du crime de lèse-majesté, sont, grâce à la haine des théologiens, désormais une rareté littéraire.

L'athéisme, disions-nous, est le fruit de la contradiction dans l’existence de Dieu. L'existence de Dieu paraît être essentiellement empirique, expérimentale, mais malheureusement elle n’a aucun signe empirique ; elle ne peut jamais être démontrée par l’expérience. On nous dit que Dieu existe réellement et non-réellement à la fois, nous avons donc parfaitement le droit de couper court à cette existence absurde et de dire : il n’y a pas de Dieu. Remarquez-bien que l’homme ne doit ni ne peut supporter la contradiction entre l’expérience réelle, qui ne lui montre Dieu nulle part, et les idées religieuses qui, pour lui prouver l’existence de Dieu, s’adressent constamment aux sens.

Kant, dans son jugement critique sur les preuves de l’existence de Dieu, dit qu’elle ne se laisse pas démontrer par la raison, et Hegel a tort de lui en faire un reproche. La notion de l’existence de Dieu chez Kant est tout à fait empirique, mais d’une notion a priori on ne saurait jamais inférer une existence empirique. Kant n’aurait cependant pas dû croire qu’il avait dit par là quelque chose de particulier. La raison ne peut pas faire d’un de ces objets rationnels et idéalistes un objet des sens : on ne peut pas en pensant un objet le mettre en même temps en dehors de soi comme une chose physique, et cette preuve de l’existence de Dieu va au-delà des limites de la raison, absolument dans le même sens, comme les actes physiques, voir, ouïr, sentir, vont au – delà de la raison. Il serait absurde de blâmer la raison de ne pas faire ce qui n’appartient plus à son domaine, mais à celui des sens.N'oublions jamais que ce ne sont que les sens qui puissent nous offrir la connaissance des choses empiriquement existantes. Or, l’existence de Dieu chez Kant ne signifie point cette existence intérieure, cette réalité intérieure qu’on appelle vérité, mais bien une existence formellement extérieure et physique, et on a parfaitement raison de dire, que la croyance à