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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

Une vie anti-mondaine et surnaturelle est surtout une vie remplie d’un célibat sacré ; c’est là le saint parfum de l’âme chrétienne et de celle du pénitent aux bords du Gange. Chez les Hindous cependant, les Bouddhistes et d’autres, cela n’a pas, à ce qu’il parait, la signification piquante et saillante comme chez les chrétiens. Chez les Orientaux, tout cela est beaucoup plus grandiose en quantité, mais moins en qualité, que chez les chrétiens ; il présente chez ceux-ci la lutte intérieure, l’immense douleur de la scission que l’âme chrétienne fait d’avec elle-même, tandis que chez les Orientaux ces mortifications hyperboliques se font avec une certaine naïveté, et qui ne manque pas de tranquillité intérieure. Il serait insensé de nier que le célibat sacré est un élément essentiel du christianisme. Le Christ est d’une naissance surnaturelle ou contre nature, et de cette thèse découle toute une légion de conséquences. Il serait superficiel de m’opposer le verset de l’Ancien Testament : Multipliez-vous, dont Aurèle Augustin se servit insidieusement contre la chasteté manichéenne ; Aurèle Augustin était la plupart du temps un sophiste ; ou cet autre mot : L’homme ne doit pas séparer ce que Dieu vient de réunir. On espère d’en inférer la sainteté du mariage, mais on ignore, ce semble, que le premier passage se rapporte à la terre non encore peuplée, au commencement du genre humain, et non à sa fin qui coïncidera avec le retour matériel du Christ dans les nuages, pour faire le jugement dernier ; c’est une explication qui se trouve déjà dans Jérôme et Tertullien. Le second passage n’a trait qu’au mariage comme institution mosaïque des Israélites avaient posé la question de la séparation de corps, et méritaient parfaitement la réponse. En effet, si vous vivez dans la monogamie, vous devez tenir pour sacré le mariage, et vous faites un adultère déjà par le regard seul que vous jetez à une autre femme : Dieu ne permet le mariage que comme une concession faite à vos faiblesses, et vous ferez bien de ne pas trop abuser de son indulgence. Le mariage, ne l’oubliez jamais, est un malheur, voire même un péché : Perfectum autem esse nolle, delinquere est, écrit Jérôme à Héliodore (de laude vitae solit.) ; le mariage n’est sacré que dans l’Ancien-Testament ; dans le Nouveau, au contraire, on est obligé de lui donner l’auréole de l’inséparabilité pour voiler sa condamnation. Le christianisme condamne le mariage en faveur de la virginité idéaliste ; il dit d’elle : Comprenez cela st vous pouvez le