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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

pacto inquam, aut sanctus asseretur conceptus, qui de Spiritu Sancto non est, ne dicam de peccato est (Epist., 174) ? » Luther : « Tout ce qui est né de l’homme et de la femme est infecté du péché et condamné à mort sous la colère et l’exécration divines… Tout entant né d’un père et d’une mère est un enfant de la colère de Dieu, comme dit saint Paul aux Éphésiens (XVI, 246,573). Voilà qui est au moins clair ; j’aime le christianisme ainsi. Le péché originel, c’est l’amour sexuel, le commencement de cet amour, c’est le baiser amoureux, donc le baiser est le commencement du péché originel et un produit du Démon. Le bon Dieu avait créé l’homme bon, mais depuis longtemps cette bonté humaine n’existe plus : Que tu sois maudit à cause de toi, et le bon Dieu est devenu méchant et mauvais, un Dieu infernal et diabolique ; Dieu est, depuis la pomme d’Ève, devenu Démon, et le Démon est devenu Dieu.

Le protestantisme ayant, d’après le bon sens, décrété l’abolition du célibat sacré, s’opposa à l’émancipation de la raison ; c’était une inconséquence. La compression de la vie naturelle dans l’étau de la chasteté chrétienne, est parallèle à la compression de la raison dans l’étau de la foi. La vie naturelle, avec ses instincts organiques, c’est la raison corporelle ; l’intelligence avec ses catégories dialectiques, c’est la raison spirituelle, l’une et l’autre s’insurgent contre ce qui est contre leur essence. Le protestantisme satisfit les besoins pratiques et oublia les besoins théoriques ; c’est là le seul point de vue sous lequel on est fondé à lui faire le reproche d’avoir été matérialiste, mais bien le seul, et tout autre point de vue est


    nature (avec toutes ses formes diverses) et la non chasteté contre nature (avec toutes ses formes diverses).
    Comme déjà dans les quatre Évangiles il n’y a guère d’autres femmes que les deux extrêmes, la Sainte-Vierge immaculée et la prostituée repentante, de même le christianisme est logiquement amené à ne reconnaître que ces deux types-là : la mère de famille n’est qu’une concession qu’il daigne faire à la matière. Or, la prostituée repentante, représentée par sainte Madeleine, est éminemment apte pour faire ressortir toute la pureté de la Sainte-Vierge, et d’un autre côté Madeleine a besoin d’avoir été précédée par Messaline ; par conséquent le christianisme est théoriquement et esthétiquement incapable de remplacer Marie, Messaline, et Madeleine par le vrai type de la femme naturelle et morale. Il a fait preuve de cette incapacité pendant dix-huit siècles. (Le traducteur)