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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

meurons dans ce corps » (Corinth. II, 5). « Et puisque dans notre corps même, dont les membres sont à nous, nous vivons comme des étrangers, de sorte que toute notre vie terrestre n’est rien autre chose qu’un pèlerinage, nous devons dire qu’à plus forte raison les biens que nous possédons à cause de ce corps, les maisons, les terres, l’argent, etc., sont des objets étrangers et passagers. » — « Ainsi, nous devons vivre comme des étrangers dans cette vie, jusqu’à ce que nous entrerons dans notre patrie, où nous acquerrons une vie meilleure qui durera éternellement (Luther, II, 240, 370). « Notre véritable droit de cité (politeuma, jus civitatis), n’est qu’au ciel, d’où viendra le Sauveur qui rendra céleste notre corps terrestre pour le rendre semblable au sien ; le Sauveur est le seigneur de l’univers (Philipp. 3, 20). « neque mundus generat hominem, dit Lactance (div. inst. II, 6), neque mundi homo par est ; l’homme ne fait pas partie du monde , ou comme Ambroise (Epsit. VI, 38) veut, l’homme est au-dessus du monde ; cœlum de mundo, etc. » — « Agnosce, o homo, dignitatem tuam, agnosce gloriam conditionis humanæ ; est enim tibi cum mundo corpus… sed est tibi etiam sublimius aliquid, nec omnino comparendus es caeteris creaturis (saint Bernard, opp. Basit. 1552, p. 79). »

At Christianus, ita supra totum mundum ascendit, nec constitit in cœli convexis, sed transcensis mente locis supercœlestibus ductu divini spiritus velut jam extra mundum raptus, offert Deo preces (Origenes, contra Celsum, éd. Haeschel p. 370). Totus quidem iste mundus ad unius animæ pretium æstimari non potest. Non enim pro toto mundo Deus animam suam dare voluit, quam pro anima humana dedit ; sublimius est ergo anima pretium, quæ non nisi sanguine Christi redimi potest (Écrits apocryph. de saint Bernard : medit. devotiss. c. 2).

Le même (De nat. et dign. amoris divini, 14, 15) dit : « Sapiens anima … Deum tantummodo sapiens hominem in homine exuit, Deoque plene et in omnibus affecta, omnem infra Deum creaturam non aliter quam Deus attendit » ; et il ajoute : « L’âme, après avoir abandonné son corps et les soucis corporels avec toutes leurs entraves, les oublie en Dieu ; elle s’élance vers Dieu, et se croit seule avec son seul Dieu. » Voilà une pensée du vrai christianisme qui ne se retrouve guère chez nos modernes, mais qui s’ac-