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QU’EST-CE QUE LA RELIGION.

liste dit : Je me pense ; la religion dit : Je suis pensé par Dieu et je le sais. La passivité de l’âme est comme un rêve à l’œil ouvert, la religion est le rêve que la conscience du moi fait ; le rêve est te mot de l’énigme en matière de religion.

La suprême loi de l’âme affective, passive est l’unité immédiate de ta volonté et de l’action, du désir et de la réalisation : cette toi se trouve accomplie par le Christ comme Sauveur. Car absolument comme un miracle extérieur réalise immédiatement, et en faisant contraste avec l’activité naturelle, les besoins et les désirs physiques : de même le Sauveur fait contraste avec l’activité spontanée de l’homme naturel ou rationaliste en fait de morale, et satisfait immédiatement tous tes besoins et tous les désirs moraux. Le miracle extérieur épargne a l’homme l’emploi pénible des moyens, et le Sauveur rend superflue pour l’homme toute activité médiatrice intérieure Tu désires la félicité future au paradis : l’as déjà de par le Sauveur. Tu n’as pas besoin de t’occuper de la vertu, pour arriver à la félicité céleste : celle-ci t’est déjà assurée, ne te donne donc plus la peine de t’acquérir ; la seule condition est de croire fermement ce que ton Dieu sauveur t’a prescrit, tu soupires après un soulagement de ta conscience : elle est déjà soulagée, le médiateur divin s’en est chargé, et la paix ne te manquera plus. Ainsi, ce point de vue tu n’as plus à suivre la loi divine, mais le médiateur, lui qui a accompli la loi ; voilà ton unique boussole ; le médiateur est désormais la loi de ton existence. Le médiateur est ici la loi vivante, c’est-à-dire il l’a réalisée ; or en la révisant complètement il l’a annulée, il l’a rendue superflue, il l’a absorbée. La loi de l’Ancien Testament, c’est la loi non accomplie, celle du Nouveau-Testament est la loi accomplie.

Cette loi nouvelle abroge l’ancienne, elle est bien plus douce : « mon joug est doux, » puisque le commandement est remplacé par l’exemple vivant, qui est un objet de l’amour, de l’admiration et de l’imitation ; voilà donc comment le médiateur me sauve de mes péchés. La loi telle qu’elle est ne me donne point l’énergie nécessaire pour la remplir, la loi est même barbare, elle menace sans faire attention mes faiblesses, tandis que celui qui me donne un bon exempte me communique par là en partie sa propre force. L’exemple fait des miracles, dit un proverbe. La lettre de la loi est morte, mais l’exemple vivifie ; il entraîne avec lui ceux qui