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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

de la foi ? Plus l’âme croyante est transcendante, plus le miracle le sera aussi. Transcendance, voilà le mot de la foi : {{lang|la|« Resurrexit Christus, absoluta res est, dit Augustin avec justesse ; ostendit se ipsum discipulis et fidelibus suis, contrectata est soliditas corporis… Confirmata fides est non solum in cordibus, sed etiam in oculis hominum (Serm. ad pop. 242, 1 ; 361. 8. — Melanchth., Loci de resurr.) » « Les philosophe, dit Luther, ceux qui sont les meilleurs, ont cru à l’affranchissement de l’âme, qui sort de la prison du corps pour monter libre et légère à l’assemblée des dieux. Mais ils n’ont jamais réussi à !e prouver ; tandis que la sainte Écriture enseigne tout au long la résurrection et la vie éternelle, et cela avec tant d’assurance que nos yeux n’en doutent plus (I, 459). » Aucun doute, en effet, ne saurait inquiéter une vraie et solide foi. Le doute ne naît que là où j’ai déjà franchi les limites de ma subjectivité, où je fais des concessions à ce qui n’est pas moi, où je daigne m’occuper du monde extérieur en reconnaissant sa réalité et son droit d’exister indépendamment de moi ; pour douter, il me faut donc me savoir comme un être subjectif ou limité. Dans la foi, il n’y a pas de place pour le principe du doute ; dans elle, la subjectivité est regardée comme objectivité, comme l’Absolu même. Nous disons donc, que la foi religieuse consiste dans la foi à la réalité absolue de notre propre subjectivité.

« Par l’incrédulité, dit Luther, vous changez Dieu en Démon (XV, 282 ; XVI, 491). » « La foi. c’est le courage et la conviction qu’on a de Dieu, qu’il nous portera toujours et partout du secours. Moi le Seigneur, dit-il, je suis ton Dieu à toi et pour toi… c'est-à-dire, qu’il se charge tout seul de nous aider. Nous n’avons donc pas besoin de chercher un autre Dieu. Il est tel que nous le croyons ; nous le croyons en colère, et il l’est ; nous le croyons miséricordieux, et il l’est encore. Telle croyance, tel Dieu. Et si nous le croyons Démon, il est Démon et une flamme dévorante. » Cette explication, traduite en langage moderne, signifie ceci : la foi en Dieu est le Dieu de homme, en d’autres termes : l’essence de notre Dieu est l’essence de notre foi. Or, tu ne trouveras jamais un Dieu qui soit bon pour toi, si tu n’es pas bon pour toi-même, ou si tu désespères de l’homme au point de le jeter de côté ; l’être de ton Dieu est donc évidemment l’être de l’homme. Et quand tu crois que Dieu existe pour toi, tu crois par là que rien pourrait être con-