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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

monisait la mythologie homérique ; il appelait ce poète un homme impie, asebès (Repub. II) : les stoïciens allégorisent en trouvant toute la géogonie dans la fable du Protée : les néoplatoniciens proclament la theoria ou l’intuition du divin, avec de la théurgie et de la démonisation des divinités et des puissances qu’ils avaient rencontrées dans l’ancienne foi hellénique, et ils déclarent par la bouche de Saccas, Porphyre, Plotin et Jamblique, que les divinités de l’antiquité nationale sont de pures manifestations du logos ou du démiurge ; tandis que Macrobe, par son panthéisme cosmique, protège les païens pieux contre les moqueurs païens (Lucien) et les déclamateurs galiléens (Pères de l’Église et autres) c’est ainsi que le néoplatonicien Julien l’Apostat croit confondre les chrétiens en rattachant (de rege sole) le magisme oriental aux mythes nationaux de l’antiquité hellénique. Viendront après cela les allégoristes alchimistes (Fabric. Biblioth. græc. IV), qui diront que la toison d’or des Argonautes n’était rien autre chose qu’un livre alchimiste griffonné sur du parchemin ; viendront les allégoristes moraliseurs dans les Académies de la Grèce, le texte d’Homère à la main (Strabon, I, 36) ; mais les Péres de l’Église se tiennent de préférence à l’interprétation historique d’Euhemère (dite athée, avec plus de raison symbolique) et à l’interprétation sophistique (voyez Sext. Empiric), qui explique les dieux d’une manière réaliste : du vin, c’est Bacchus ; du pain, c’est Cérès, etc. Contre Euhemère éclate la fureur religieuse de Callimaque et de Plutarque (de Isi) ; Ennius le latinise, et Lactance s’en empare avec empressement… Il faut absolument se rappeler tout ceci quand on veut comprendre le mosaïsine, qui occupe évidemment la place au milieu, entre la gauche et la droite, entre les sabéens et les fétichistes. Les sabéens orientaux adorent des corps naturels des astres, les éléments) et des forces naturelles (génération, conservation, destruction, ou Trimurti indienne ; changement des saisons, ou Thammuz Adonis en Phénicie et Attis en Phrygie) : dans tous ces cas, le sens intérieur restait un mystère presque jamais expliqué, et la figure humaine n’y était qu’un symbole, elle dégénéra par conséquent scandaleusement, tandis que, chez les idolâtres ou fétichistes civilisés de la Grèce, la forme de l’homme, dans toute sa beauté et dans toute sa force, était regardée comme fétiche suprême. Les Hellènes ont donc pour dieux des hommes élevés à la