Page:Feuerbach - Qu'est-ce que la religion ?,1850.pdf/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
231
L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

beaux-arts)[1] fut regardée par les païens de l’antiquité comme un culte sidéral très spiritualisé : Juvénal appelle les Juifs cœlicolœ, adorateurs de la voûte du ciel. Les années célestes, dont la Bible et le Talmud parlent si souvent, en sont une preuve. En Égypte, ils étaient des fétichistes. En Cananée, ils adoptaient souvent le sabéisme dégénéré des habitants. Dans l’exil, ils étudiaient Zoroastre, et ce n’est qu’alors que la Thora, ou Bible, fut conservée, comme objet trois fois sacré, par les soins d’Esra, cet autre Moïse, qui probablement est le seul et véritable Moïse. En général, il faut placer à droite les religions de la lumière et du feu ou le sabéisme, à gauche, le fétichisme, ou les religions des images. Les religions sabéennes, ou célestes, ou sidérales, vont se spiritualiser en Zoroastre, et se matérialiser étrangement chez les Phéniciens dans le culte de Baal-Moloch-Saturne ; les religions fétichistes commencent, en Grèce, par exemple, par l’adoration du serpent, du bouc, du hêtre, d’une pierre, et arrivent à l’adoration de la figure humaine. Les Grecs ne représentent plus comme les Hindous leurs divinités composées de mille attributs ; les hardes des cercles d’Homère et d’Hésiode regardent plutôt les rapports humains que ceux des dieux, et pour dignement décrire les rois du ciel, ils les comparent au roi hellénique, avec son château fort, sa cour, sa famille, ses passions ; ils font des théogonies et des cosmogonies. Après eux vient Platon, l’interprète allégorique (en hypnoïa), et fait beaucoup par la pour soutenir les croyances déjà un peu délabrées, à ce qu’il paraît, aux mythes populaires et poétiques. Arrive la Stoa avec sa fameuse physique, elle allégorise aussi. Mais, remarquez-le bien, ni le platonisme, ni le stoïcisme, ne font plus beaucoup changer le cœur de la religion nationale ; elle semble même se préoccuper très peu de tous ces philosophismes, mais elle se révolte chaque fois qu’elle croit voir un essai de démonisation ; elle ne veut point qu’on lui démonise ses dieux nationaux. Alexandre le Macédonien mêle davantage les systèmes occidentaux et orientaux ; des Israélites hellénisés, domiciliés par toute l’étendue de l’empire, vont spiritualiser les religions fétichiste et sabéenne, la prêtraille du Sérapis va les matérialiser. La démonisation est désormais le point central : Platon déjà avait proclamé un idéalisme oriental, et dé-

  1. Cette intercalation est du traducteur.