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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

quod ipse Deus caro de carne nostra et os de ossibus nostris fieri voluit (J. Gerhard, Med. s. M 15).»

Niez la providence et vous niez Dieu. « Qui ergo providentiam tollit, totam Dei substantiara tollit et quid dicit nisi Deum non esse ?… si non curat humana, sive sciens, sive nesciens, cessat omnis causa pietatis, cum sit spes nulla salutis (J. Trithem. Tract. de prov.) » Et Salvien : « Nam qui nihil adspici a Deo affirmant, prope est ut cui adspectum adimunt, etiam substantiam tollant (IV). » Ainsi, dans l’essence divine, il ne s’agit absolument de rien autre chose que de l’homme ; le secret de la théologie est l’anthropologie, le contenu de l’être infini et l’être fini. Cela se prouve par la providence. Quand on dit : Dieu voit l’homme, on veut dire que l’homme ne voit que lui-même en Dieu ; Dieu a soin de l’homme, signifie le soin que l’homme a de lui-même, c’est son être suprême. La réalité de ce Dieu dépend ainsi de son activité ; un Dieu inactif n’est plus Dieu ; or, le but de cette activité est l’homme ; donc, si l’homme n’existait pas, Dieu ne serait pas actif, donc l’homme est l’agent moteur qui pousse Dieu à l’activité ; donc Dieu, sans l’homme, serait un Dieu vide, aveugle, oiseux, bref ; nul. La divinité de Dieu est donc précisément l’humanité. L'épicurisme, le stoïcisme, le panthéisme disent Moi pour moi ; le christianisme, plus consolant et plus riche, dit : Dieu pour moi. Aux yeux de la religion, qui ont la particularité de voir les choses à l’envers, l’homme existe pour Dieu, mais Dieu existe pour l’homme : J’existe pour Dieu parce qu’il existe pour moi. La providence est identique avec la puissance de faire des miracles ; la liberté supranaturaliste, qui consiste à être indépendant de la nature, est identique avec la providence : Liberrime Deus imperat naturæ ; naturam saluti hominum attemperat propter Ecclesiam. Omnino tribuendus est Deo hic honos, quod possit et velit opitulari nobis, etiam cum a tota natura destituimur, contra serjem omnium secundarum causarum… Et nulla accidunt plurimis hominibus, in quibus mirandi eventus fateri eos cogunt, se a Deo sine causis secundis servatos esse (C. Peucer., de præ. divin, gen. Servestæ, p. 44). Hic tamen qui omnium est conditor, nullis instrumentis lndiget. Nam si id continuo fit, quicquid ipse vult, velle illius erit auctor atque instrumentum ; nec magis ad hæc regenda astris indiget, quam cum luto aperuit oculos cœci… Lutum enim