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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

son sang et son être de son père, de même le Fils de Dieu, né du Père, a son être divin, sa nature divine du Père d’éternité en éternité. » . Le théologien H. A. Hoel, de l’école de Descartes et de Coccéjus, avait posé la thèse suivante : « Filium Dei, secundam Deitatis personam, improprio diei genitam ; » mais son collègue Camp. Vitringa s’en scandalisa énormément, et opposa cette autre thèse : « Generationem Filii Dei ab æterno propriissime enunciari. » D’autres théologiens aussi déclarèrent « Generationem in Deo esse maxime veram et propriam » (Acta Erudit., I, 7, p. 377). » L’Évangile aussi a dit « Ainsi Dieu a tant aimé le monde, qu’il donna son fils inné, » c’est-à-dire, son Filius proprius, son véritable fils, son fils réel. Si ce verset évangélique n’est pas un mensonge, le Fils de Dieu doit être une vérité aussi ; en bon langage commun une vérité physique et matérielle.

« Dieu est un Être triple, composé de trois personnes, » signifie donc qu’il n’est pas seulement un Être métaphysique, abstrait, spiritualiste, idéal, mais en outre un Être physique. Le centre de la Trinité est le Fils, car le Père ne l’est que par le Fils, et le mystère de la génération est, on le sait, un mystère physiologique. Le Fils de Dieu est donc la satisfaction que le cœur se donne en Dieu ¡ tous tes besoins du cœur sont des besoins qui tombent en deçà de l’horizon des sens, par conséquent le désir d’avoir un Dieu personnel, le désir de profiter de la félicité céleste ; sont des désirs matériels, physiques. Qu’on ne se récrie pas contre cette déduction, elle est logique et physiologique à la fois ; le cœur est toujours matérialiste, il ne se trouve satisfait que par un objet qu’il peut voir et sentir ; ainsi arrive-t-il nécessairement que Dieu le Fils, au milieu de la Trinité divine, garde éternellement son corps humain ; il ne se sépare jamais de cet attribut terrestre. Ambroise : « Scriptum est Ephes. I : secundum carnem igitur omnia ipsi subjecta traduntur. » − Chrysostomus : « Christum secundum carnem pater jussit a cunctis angelis adorari. » Theodoretus : « Corpus dominicum surrexit quidem a mortuis, divina gtorificata gloria… Corpus tamen est et habet, quam prius habuit, circumscriptionem. » (Voyez le Livre de la Concorde, appendice : Témoignages de l'Écriture, etc. − Pierre Lombard, III, 10, c 1, 2. − Luther XIX, 464-68.) De là vient que le Fils de Dieu est le fils favori du cœur de l’homme, le fiancé de l'âme, un objet de