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« Un ti« Mon pauvre esprit et ma pauvre âme.
« Un tison brûle en moi ; je souffle… et je l’éteins !…
« Oh ! viens à mon secours dans ces bonds incertains,
« Oh ! « Et fais enfin jaillir la flamme !

« Un moment je crois voir, dans ma faible raison,
« S’entr’ouvrir tout à coup un nouvel horizon ;
« S’ent« Je sens le germe près d’éclore ;
« L’espoir me rit au cœur… Puis, un autre moment
« Me ramène un obstacle à mon enfantement : …
« Me ra« Cherche, ce n’est pas l’heure encore !

« Et pourtant, ô mon Dieu, ce germe, ce secret,
« Qu’avec un pas de plus l’esprit féconderait,
« Qu’a« Me semble être une grande chose ;
« Le monde entier par lui pourrait être changé…
« Mais c’est par trop, peut-être ?… ô Dieu, t’ai-je outragé ?…
« Mais « Je voudrais poursuivre, et je n’ose !… »

Et, comme épouvanté de son propre pouvoir,
N’osant plus contempler ce qu’il ose entrevoir,
Le travailleur s’incline, et s’humilie, et tremble :…

— « Ô mon Dieu ! reprend-il, j’ai mal fait ; il me semble
« Que c’est aller trop loin que, d’aller sur tes pas ;
« C’est sans doute pourquoi je ne réussis pas.
« Tu ne dois pas vouloir, tu ne dois pas permettre
« Qu’à la place, Seigneur, l’homme vienne se mettre,
« L’homme, grain de poussière, insecte audacieux
« Qui tente, en son orgueil, d’escalader les cieux.
« Qu’a-t-il donc à chercher quand il voit ta puissance ?
« En toi seul tout son bien ne prend-il pas naissance ?
« Et ta main de la sienne a-t-elle tant besoin,
« Lui qui succomberait si tu n’en prenais soin ?…
« À moins que, grandissant l’homme d’une coudée,
« Tu ne fasses de lui l’apôtre d’une idée,
« Le chercheur incessant plein de sa mission,
« Dont l’œuvre exaltera toute une nation :
« Alors l’homme, investi de son mandat sublime,
« Du grand mont social peut atteindre la cime ;
« Il peut parler en maître et se faire obéir ;…
« L’éclair inspirateur en lui vient de jaillir.
« Il peut dire à chacun : — Venez, qu’on examine !
« J’ai sondé, j’ai trouvé ; fouillez l’or de ma mine ;
« Je suis grand parmi vous, car un trésor nouveau
« Vient de se faire jour aux flancs de mon cerveau ! —
« Il peut… Et moi, qui suis sur le point de surprendre
« Un de ces longs secrets qu’on bénirait d’apprendre ;
« Moi, qui vais vous trouver un levier si puissant
« Que, rien que d’y songer, il fait bouillir mon sang ;
« Moi, qui veux maîtriser la matière asservie,
« Lui donner de la force et presque de la vie,
« Pour l’assouplir, esclave, à notre volonté ;
« Moi… non ! je ne puis rien !… je n’ai rien enfanté !
« Non, rien ! — Et j’ai le doigt sur l’objet de mes rêves !
« Ce que j’ai poursuivi dans mes heures trop brèves,
« Je le vois, je le touche… et je n’ai rien encor !…
« Ô vapeur ! ô puissance ! ô trop lointain trésor ! !… »

Et, sentant de nouveau sa pensée abattue,
Salomon s’abandonne au désir qui le tue.
L’esprit survivra-t-il à de si durs travaux ?…
Ô pauvre Salomon ! ô Salomon de Caux !