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FABLE LXVI.

LES DEUX VOISINS.


Un riche, fat, jouant le grand seigneur,
Pestoit, juroit toute la matinée
Contre un de ses voisins, simple et pauvre tailleur,
Qui chantoit toute la journée.
Sitôt que le soleil éclairoit l’horison,
L’ouvrier reprenoit l’aiguille et sa chanson,
Sans jamais se lasser, tant que duroit l’année.
Compère, lui dit l’autre enfin,
Vous vous égosillez et me rompez la tête,
Et je ne puis goûter de repos le matin,
Si ce n’est le dimanche ou quelque jour de fête ;
Renoncez donc au chant ou changez de quartier,
De votre gîte au loin je paîrai le loyer ;
J’en donne ma parole, elle doit vous suffire.
Non, non, répond notre homme en se mettant à rire,
Je reste ici, je m’y trouve fort bien ;
Des élégans je connois le beau dire ;
Ils promettent beaucoup, jamais ne donnent rien.
Pour la musique, elle est mon seul soutien :
Oh ! l’on ne peut ravir si pure jouissance !
C’est elle qui me tient frais, gaillard et content ;
De vouloir m’en priver vous ferez conscience,
Quand vous saurez, monsieur, que j’oublie, en chantant,
Ma misère et votre opulence.