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Ajouta-t-il avec franchise,
Des animaux si j’eusse été le roi !
Vous béniriez mon règne et chéririez la loi
Sous laquelle chacun pourroit vivre à sa guise.
Nul esclavage, point d’impôts,
Notre condition à tous seroit égale.
J’excepterois pourtant vaches, moutons, chevreaux,
Imbéciles et vils troupeaux
Qui paîroient un tribut pour la table royale.
Pour moi, dit le renard, si j’étois souverain,
Je serois fameux politique,
Sans guerroyer, et de mon souterrain
Je viserois au pouvoir despotique.
Nous savons que chez les humains
Les plus heureux sont les plus fins,
Et sur nombre de points je suivrois leur pratique.
On voulut du taureau savoir ce qu’il pensoit,
Et comment il en useroit,
Si sur les animaux il avoit tout empire.
Il repart d’un ton fier : Je serois conquérant ;
Auprès, au loin, je voudois qu’on pût dire,
En me voyant :
C’est le taureau le plus vaillant.
Partout je porterois la guerre,
Et je ravagerois la terre,
Pour acquérir le nom de grand.
Le cheval très-sensé, quoiqu’il fût jeune et leste,
Sur tout cela ne disant mot,
N’alloit être jugé qu’un sot.
On l’interroge ; alors il dit d’un air modeste :
Si j’étois assez estimé,
Pour mériter l’honneur de gouverner les autres,
Mes plaisirs et mes biens ne seroient pas les vôtres :
Je n’en voudrois qu’un seul, ce seroit d’être aimé.