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Il voulut, malgré moi, manger aussi la mère ;
Contre ma défense il rugit :
Oh ! sa force revient, car je perds tout crédit.
Les plus fins courtisans prennent bientôt la fuite.
Le prince voit sa cour à la moitié réduite.
Il connoissoit les gens, étoit lion d’esprit.
À ceux qui lui restoient se moquant d’eux, il dit :
Messieurs, demain, si la nouvelle est bonne,
Si le monarque encor a bien dîné,
Grace à son appétit je n’aurai plus personne.
Ce prince resta seul, il avoit deviné.



FABLE LI.

LE VIEILLARD ET SON FILS


Mon fils, vous arrivez à l’âge de vingt ans ;
D’après la liberté que je vous ai donnée
De régler votre destinée,
Choisissez un état, enfin il en est tems.
Vous passez jour et nuit sur Platon sur Homère,
C’est fort bien ; mais il faut être utile aux vivans.
Voulez-vous être militaire ?
— Ma sensibilité me fait haïr la guerre.
Pour ce métier glorieux et brillant
Je ne me crois, mon père, aucun talent.
Eh quoi ! passer sa vie à fusiller, à battre ?
Toujours faire le diable à quatre
Pour exterminer son prochain :
Et recevoir pour récompense
D’avoir été très-inhumain,
Le droit de saccager tout un pays voisin,