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FABLE XL.

LES DEUX VISITES.


Un grand parleur et l’un de ses amis
Faisoient visite un jour à jeune et belle femme.
Le premier d’un lointain pays,
N’avoit jamais connu la dame.
Il parle, il parle et c’est de lui toujours,
Raconte son voyage et ses hauts faits de guerre
Car ce franc babillard étoit un militaire,
Il n’oublia point ses amours,
Ni sa fidélité, ni son désir de plaire,
Vanta surtout les charmes du mystère.
Puis il parle de ces châteaux,
De sa meute, de ses chevaux,
De ses enfans, de son épouse,
Glisse en passant qu’elle est laide, et jalouse.
Le voile de la nuit déroulé dans les cieux.
Oblige ces galants de revenir chez eux.
Ma foi, cette femme est charmante,
Dit le jaseur à son ami.
Oh ! je ne ferai pas son éloge à demi,
Telle société m’enchante,
Qu’elle a de jugement, d’esprit !
L’autre repart, mais elle n’a rien dit,
Pour connoitre les gens, une seule séance
Ne suffit pas ; demain vous la jugerez mieux,
Allons chez elle encor — de bon cœur je le veux,
Le jour venu l’on part en diligence.
La dame avoit déjà médité sa vengeance,