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FABLE XXII.

LES DEUX LOUPS.


Un loup malade, et gardant sa tanière,
Détestoit les forfaits de sa dent meurtrière,
Et le cœur bien contrit renonçoit à pécher,
Un autre loup voisin, son ami, son confrère,
Pour de nouveaux exploits accourut le chercher.
Le malade dévot se met à lui prêcher
La morale la plus austère.
Troublerons-nous, dit-il, sans cesse le repos
Et des bergers et des troupeaux ?
Sur leurs malheurs, hélas ! mon âme est attendrie ;
Grâce au ciel, je deviens aussi doux, aussi bon
Qu’un mouton,
Et je vais l’être enfin le reste de ma vie.
Oui, si les dieux encor m’accordent quelques jours,
Je veux les employer à courir au secours
De tous les troupeaux du village.
Crois-moi, devenons bonnes gens ;
Quel plaisir d’être aimé de tout le voisinage !
On vit très-bien de racines, de glands.
N’es-tu pas effrayé, dégoûté du carnage ?
Les végétaux sont sains et plus appétissans.
Son voisin l’écoute, l’admire,
Mais craint que l’orateur ne soit dans le délire.
Il gémit, plaint son sort,
Fait ses adieux, et se retire.
Trois jours après, tremblant qu’il ne fût mort,
Il veut revoir le pauvre sire ;