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Jadis on a vu dans Pergame
Un fils tendre et religieux,
Sur son dos, en fuyant la flamme,
Emporter son père et ses dieux.

De nos jours c’est une bergère
Qui vient lutter contre les eaux,
Et sur son dos chargeant sa mère
La dérobe au danger des flots.

Le torrent accroît son ravage :
Cette fille, au cœur généreux,
Accourt, revient sur le rivage
Et sauve encor deux malheureux.

Enfin, à son dernier voyage :
On crie à la témérité :
— Arrêtez… sinistre présage…
Mais son cœur seul est écouté.

Laissez-moi rendre encor service,
Amis, ne tremblez sur mon sort :
Ah ! c’est pour moi doux exercice ;
Faisant le bien, craint-on la mort ?

Elle chancelle, elle succombe,
Après des efforts impuissans ;
Et le torrent devient la tombe
D’une héroïne de vingt ans.

Elle jouit de sa victoire
Au séjour qu’elle a mérité.
De notre sexe elle est la gloire,
Ainsi que de l’humanité.