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FABLE CXL.

LE MAITRE D’ÉCOLE ET SON VOISIN.


Certain Maître d’école aimoit fort la musique,
Quoiqu’il fût pour cet art sans dispositions.
Avant, après ses utiles leçons
D’écriture et d’arithmétique,
À sa fenêtre en prenant le grand air
Sur une clarinette il jouoit le même air
Depuis six mois, toujours écorchant les oreilles,
En croyant faire des merveilles.
Un jour son plus proche voisin,
De son métier faiseur de serinette,
Vient le trouver dès le matin
Une serinette à la main.
Je ne vous offre point, dit-il, d’en faire emplette,
Vous la donner est mon dessein.
Mais renoncez à votre clarinette
Et renvoyez celui qui vole votre argent.
Vous jouez un seul air, encor faux, sans mesure,
Et vous en joûrez sept avec mon instrument.
Nous y gagnons tous deux, car, d’honneur, je le jure,
De travailler vous m’empêchez souvent ;
Des tons aigres et faux, c’est pour moi la torture.
Notre écrivain doux, patient,
Ne trouva point la vérité trop dure ;
Il sourit du cadeau, du conseil profita,
Et plusieurs fois bonnement répéta,
Chose très rare en pareille aventure :
J’ai pris mon goût pour du talent,