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Ce Jardinier parloit librement, sans rien craindre.
Le maître étoit bourru, mais juste en même temps ;
De la gaîté, du bruit il cessa de se plaindre,
Et comprit le besoin des plaisirs innocens.



FABLE IV.

L’ÉPAGNEUL ET LE MÂTIN.


Un petit épagneul aimé, doux, caressant,
Dans un joli château passoit gaîment sa vie.
De trotter, de courir, il lui prit fantaisie
Un jour qu’il vit son maître absent.
Après mille bonds et gambades,
Et fatigué de tous ses tours,
Il quitte enfin les promenades,
Et vient se reposer auprès des basses-cours.
Il y trouve un mâtin, chien d’excellente race,
Qu’il avoit rencontré quelquefois en passant,
Et qui mangeoit de bonne grâce
Un morceau de pain dur, bien noir et bien pesant.
Eh ! quoi ! dit l’épagneul, d’où vient donc ta misère ?
Notre maître est si riche, il fait si grande chère ;
Et tu ne tiens-là sous ta dent
Qu’un mets de fort mauvaise mine !
Moi, je vis de poulets, de pain, de pur froment :
Pourquoi n’avons-nous pas tous deux même cuisine ?
Pourquoi ne pas t’en plaindre, et paroître content ?
Je vais sur tout cela te répondre à l’instant,
Dit l’autre : à la campagne, ainsi que dans les villes,
On traite sans pitié ceux qui ne sont qu’utiles.