Page:Ferrandière - Œuvres, 1816.pdf/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.
(121)

FABLE CVIII.

LES DANGERS DE LA CURIOSITÉ.


Certain écolier de quinze ans
Furtivement quitte son pédagogue,
Pour aller consulter de fameux charlatans
Qui s’étoient décorés du grand nom d’astrologue.
Notre étourdi veut connoître son sort,
S’il sera riche, heureux, et le temps de sa mort.
L’un de ces faux docteurs, après nombreux mensonges
Lui dit, mais de ce ton qu’avoit jadis Calcas :
Mon cher enfant, ce ne sont point des songes,
Écoutez… je prédis… ne vous effrayez pas :
Vous êtes né sous planète ennemie,
Hélas ! ainsi que bien des gens.
Six lustres tout au plus composent votre vie ;
Tachez de profiter de ce précieux temps ;
La sagesse chez vous seroit pure manie.
Le jeune homme paya, cet âge est généreux,
Paya très-cher ce conseil dangereux.
Content, il revient à son gîte
Au plus vite ;
Garde le cas secret, ne se vante de rien ;
Mais dans son cœur se promet bien
De briser et férule et chaîne :
Il ne veut plus alors souffrir aucune gêne ;
Il se moque de tout, des livres, des pédans,
Et de chagrin fait mourir ses parens.
De sa fortune il est le maître à peine
Qu’il se livre à tous les excès.