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FABLE CI.

LE KHAN DE BUKARIE ET SON FILS.


Je ne lis jamais qu’avec peine
L’éloge des exploits du fameux Gengiskan,
Et des hauts faits de Tamerlan,
Assassins de l’espèce humaine.
Oui, c’est le nom qu’ils méritoient ;
Leurs crimes de beaucoup ont passé leurs conquêtes :
Eh ! qui pourroit compter les têtes
Que ces deux monstres entassoient ?
Mais j’aime bien ce khan de Bukarie,
Sensible, doux et vertueux,
Très-peu connu sinon dans sa patrie,
Car il mettoit sa gloire à faire des heureux :
Aussi fut-il chéri pendant toute sa vie.
Ce souverain qu’on nomme Akataïs,
Voyant son successeur dans l’aîné de ses fils,
Réprimoit avec soin ses défauts ; ses caprices,
Tout ce qui lui faisoit prévoir des injustices.
Cet enfant, appelé Timour,
Atteignoit sa quinzième année ;
Il étoit absolu, vain de sa destinée.
Revenant de la chasse un jour,
Il aperçoit une chaumière ;
Avec sa suite il veut s’y rafraîchir.
Les maîtres du logis étoient dans la misère :
On ne voyoit, pour se nourrir,
Qu’un beau mouton paissant sur la bruyère.
Allons, leur dit ce prince, et d’un ton imposant,
Prenez cet animal, qu’on le tue à l’instant ;