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FABLE LXXXVIII.

LE CHEVAL ET L’ÂNE.


Auprès d’un roussin d’Arcadie,
Un fier coursier de l’Arabie
S’en vint caracoler et prendre ses ébats :
Le besoin de jaser rapproche les états.
De l’âne, qui cherchoit sa misérable vie,
Bientôt il fait sa compagnie :
Pour éviter plus sûrement l’ennui,
Il parle, il parle, et c’est toujours de lui.
Avec leurs protégés des grands voilà l’usage.
Ce beau cheval fait étalage
De ses aïeux, de son illustre nom ;
Il vante son allure et son leste équipage,
L’herbe fine et les grains qu’on lui donne à foison ;
Puis la commodité de sa vaste maison,
Le baudet qui, malgré l’opinion vulgaire,
A de la bonhomie et beaucoup de raison,
Lui répliqua sans humeur, sans colère :
Oses-tu bien vanter richesse et grande chère
Devant un malheureux qui n’a que du chardon ?
C’est insulter à sa misère :
Ou tu manques d’esprit, ou ton cœur n’est pas bon.