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Désir de liberté, source de l’industrie,
En peu de temps changea son sort :
Il rompt sa chaîne en arrivant au port,
Se jette aussitôt à la nage,
Et de la mer gagne enfin le rivage.
Après avoir passé forêts, rivière, étang,
Le trop heureux orang-outang
Se trouve dans l’Europe, en pays de bocage,
Offrant aux animaux lieux sûrs et ravissans :
C’étoit un beau jour de printemps,
Lorsque les bois ont repris leur parure ;
Jeannot lapin trottoit, sautoit,
Tout en broutant se parfumoit
Parmi les fleurs et la verdure ;
Les rossignols et les merles chantoient ;
Les tourtereaux se becquetoient ;
L’adroit renard guettoit sa proie ;
Enfin tout respiroit la joie,
Quand le pongo parut au milieu d’eux.
Pour un homme il est pris, chacun fuit de sa place ;
À peine avoit-on vu sa face
Qu’on s’alarme, on le croit ennemi dangereux.
Tous les oiseaux se cachent sous l’ombrage ;
Renards, blaireaux, lapins rentrent dans leur terrier,
L’écureuil moins peureux, ou je crois, le plus sage,
Juge autrement, reste sur son pommier :
Il examine davantage
Cet étranger qu’il trouve bon enfant,
Et partage avec lui ses fruits et son feuillage.
Au bout de quelques jours notre écureuil descend,
Et va dire à chaque ménage :
Eh ! mes amis, vous êtes fous
De rentrer ainsi dans vos trous.
Il ne veut point vous causer de dommage ;