MME DESBORDES-VALMORE.
LE ROSSIGNOL AVEUGLE.
Pauvre exilé de l’air ! sans ailes, sans lumière,
Oh ! comme on t’a fait malheureux !
Quelle ombre impénétrable inonde ta paupière !
Quel deuil est étendu sur tes chants douloureux !
Innocent Bélisaire ! une empreinte brûlante
Du jour sur ta prunelle a séché les couleurs ;
Et ta mémoire y roule incessamment des pleurs ;
Et tu ne sais pourquoi Dieu fait la nuit si lente !
Et Dieu nous verse encor la nuit égale au jour.
Non ! ta nuit sans rayons n’est pas son triste ouvrage ;
Il ouvrit tout un ciel à ton vol plein d’amour ;
Et ton vol mutilé l’outrage !
Par lui ton cœur éteint s’illumine d’espoir ;
Un éclair qu’il allume à ton horizon noir
Te fait rêver de l’aube, ou des étoiles blanches,
Ou d’un reflet de l’eau qui glisse entre les branches
Des bois que tu ne peux plus voir.