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esprit, ni finesse, dans les chansons populaires du Poitou. Il suffit qu’elles soient très-libres pour que le paysan les trouve très-bonnes. La littérature poitevine offre fort peu d’intérêt quant au style et encore moins quant au fond des idées. Le citadin qui fait du patois ressemble beaucoup à celui qui fait de l’agriculture dans un pot de fleurs.

« Quelques-uns des idiomes patois sont de véritables langues comme le bas-breton, le basque. D’autres, comme le provençal, ne sont que commencées. Les autres patois ne sont que la langue française dans l’enfance, encore enveloppée des langes de la langue romane. Leurs plus fortes nuances ne semblent consister que dans une prononciation plus ou moins rustique, et dans un mode plus ou moins irrégulier de conjuguer les verbes. Cependant, chaque patois a aussi une somme quelconque de termes qui lui sont propres, et qui sont les restes précieux d’un patois plus ancien encore, mais ces termes ne constituent que des dialectes.

« La prononciation patoise, avec la prononciation épurée, n’est point abandonnée au caprice ; on peut la réduire en un petit nombre de règles générales dont elle ne s’écarte jamais. On ne se trompe guère en disant que toutes ces chansons ont été composées par des poètes citadins. Les mots peuvent être patois, mais la phrase ne l’est pas.

« Les patois varient souvent de canton en canton. Presque toujours ces variétés s’accordent et se combinent avec celles du sol. La plaine, le bocage, les marais, les montagnes présentent partout des nuances distinctes, sinon d’un idiome différent, au moins d’une prononciation très-différente, parce que la prononciation tient à nos organes, et que nos organes sont modifiés par le climat et par les aliments. »

M. Dupin, comme on le voit, a mis à profit les remarques déjà faites par la Revellière-Lépaux. Il se montre d’une grande sévérité envers la littérature poitevine. Loin de nous la prétention de l’élever à la hauteur de nos ouvrages classiques, mais enfin elle a un mérite de verve et d’originalité qu’on ne doit pas lui refuser. Il a parfaitement raison en assurant que toutes les chansons poitevines ont été composées par des citadins. Ne savons-nous pas, de nos jours, que tous les morceaux de poésies patoises qui paraissent dans les journaux et même en livres, sont rédigés par des citadins. J’Haquet, Jouzet, L. Gatepoua, Beurgaud et tant d’autres graffignoux, ne sont certes pas des pinzans. On peut, cependant, aller plus loin que M. Dupin, et dire que si les mots sont patois, les phrases, très souvent, le sont aussi.

M. A. de la Fouchardière, de Châtellerault, a publié des remarques historiques et littéraires sur quelques poésies vulgaires du Poitou au xvie siècle. Nous y trouvons les observa-