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sement sous leurs couleurs vives et pleines du jeu des lumières. On aurait dit qu’un souffle de printemps passait sur la prairie : l’insecte bruissait sous l’herbe jaunie, le vent était tiède, le soleil chaud, et pourtant toute cette nature allait disparaître avant un mois sous un épais linceul de neige.

La terre ressemble dans nos climats du nord à l’homme vieilli : l’une renaît et meurt sous les baisers du soleil ; l’autre, parti de l’enfance, s’en retourne vieux et chancelant par l’enfance, et l’une est un enseignement pour l’autre.

Or, après avoir donné ses ordres, mon grand oncle descendit vers un petit vallon, où coulait une source d’eau vive. Il dut s’y rafraîchir. Une demi-heure après, Pierre Touchet, qui guidait les bœufs, le vit reparaître et se diriger vers sa maison. Il était pâli, et lui qui d’ordinaire marchait si alerte et si droit, il s’en allait distraitement, la tête penchée et les deux mains derrière le dos.

Pierre crut à quelque chose d’extraor-