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boulinait toujours son brin de chemin, tant et si bien qu’une belle nuit il se trouva au milieu d’une flotte anglaise de quatre-vingts vaisseaux. Le vieux marin se gratta l’oreille, arpenta fièvreusement son banc de quart, ajusta sa lunette ; mais il n’y avait pas à tortiller : le Neptune amena pavillon.

On fit un bon feu dans les faux-ponts du pauvre navire canadien, et une demi-heure après, le capitaine Paradis, tristement accoudé sur le bastingage anglais, regardait brûler sa petite fortune, pendant que sous lui louvoyait tranquillement l’Edgar, vaisseau amiral de 70 canons, commandé par le Walker de la reine Anne. C’était triste ; mais il fallait digérer ce malheur, sans rien dire, car derrière l’Edgar filaient soixante-dix-neuf gros vaisseaux de ligne.

Que faire en pareil cas ? Se tenir tranquille, n’est-ce pas ? Eh bien ! oui, et c’était aussi l’avis de l’arrière-grand’père de Jean. Ah ! c’était un rude pilote tout de même, qui connaissait le fond de son