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jolie fortune. Il avait appareillé sa barge pour aller pêcher la morue sur les fonds du Cap Chastes ; déjà son embarcation s’emplissait à vue d’œil de beaux poissons, lorsqu’en voulant retirer son hameçon pour le bouetter, il sentit qu’il y avait prise au bout. Il se mit à ramener sa ligne, brassée par brassée, dans cette attitude penchée, tête hors bord, que savent prendre tous les vrais pêcheurs de morues : horreur ! il aperçoit, à une profondeur de huit pieds, une tête de femme qui montait vers lui ! C’était une sirène que le malheureux avait accrochée par le coin de la lèvre supérieure.

— Elle était toute jeune, disait Létourneau, à peine vingt-deux mois, et ne parlait pas encore ; car les sirènes parlent comme de vraies créatures, ajouta-t-il. Son teint était frais comme de la belle chair de flétan, sa figure comme celle d’une jeune fille : un voile de peau fine partait de son front, ombré par une abondante chevelure, et retombait jusqu’à la ceinture où sa forme humaine se confondait avec celle d’un poisson ordinaire. Comme elle se