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de Notre-Seigneur ; mais son énorme toison blanche et le gigantesque gourdin déposé auprès de l’horloge étaient plus que suffisants pour arrêter mes soupçons. Sans prendre le temps d’achever mon souper, j’avertis cinq matelots de mon équipage, et nous courûmes nous placer sur le pont Saint-Denys, où devait passer l’éternel marcheur. À peine étions-nous installés en embuscade, que nous aperçûmes dans la nuit sombre scintiller les fils d’argent de la barbe du juif. Il passa ; nous lui adressâmes un respectueux bonsoir, et lui fîmes des offres d’hospitalité ; mais lui, sans répondre à nos civilités, continua son impitoyable marche, et, une demi-heure après, il traversait le village de Kamouraska, qui se trouve à une bonne distance de l’endroit où nous étions. Le lendemain, je trouvai sur les planches du pont Saint-Denys quelques gouttes de sang caillé. Elles avaient suinté des pieds endoloris de celui qui, rencontrant Jésus sur la route du Calvaire, se mit à rire de ses chutes, puis à ridiculiser son pas