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terrompit le capitaine Létourneau, il m’est arrivé une mystérieuse aventure, et je regrette de venir vous la conter, après les gigantesques prouesses de Jean Bart et de Bidou ; personne ne me croira.

— Contez, contez toujours, capitaine, cria toute la maisonnée, on sait que vous êtes franc comme le bois de votre mât de misaine.

— Merci, mes enfants, merci. Je vous dirai donc qu’il y a sept ans, étant à Sainte-Anne de la Pocatière, j’ai eu l’insigne honneur de souper avec le Juif-Errant. C’était un grand vieillard dont le visage était tellement recouvert par sa longue barbe blanche, que cheveux, favoris, moustache, barbiche se trouvaient dans un pêle-mêle indébrouillable, et n’offraient qu’une imperceptible éclaircie aux rayons fauves qui se dégageaient de ses prunelles noires. L’estomac appuyé sur la table, la tête courbée dans son assiette, il gardait une position qui ne permettait pas de juger de la fraîcheur du costume que portait le contemporain