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sonnait de la trompette, comme si les modestes murs de la maison eussent été les murailles de Jéricho ; Napoléon, les doigts étendus devant la lampe, tâchait de façonner sur la tapisserie l’ombre du profil d’un lapin, et mère-grande, joyeuse, libre et débarrassée de cette meute aboyante, se livrait alors au plaisir favori de la journée : elle endormait le petit Charles.

Petit Charles était le Benjamin de ma mère. Trop grand pour son âge, maigre, souffreteux, en le voyant on pressentait qu’un jour il partirait, et cesserait d’être notre frère pour devenir l’ange gardien de la famille. Aussi, l’une des berceuses favorites de ma grand’mère était celle qui commence ainsi :

Les anges de ton âge
Dorment leur doux sommeil,
Bercés dans un nuage
Soyeux, frais et vermeil.
Leurs rideaux sont le voile
De la mère d’amour ;
Leur lampe est une étoile
Du céleste séjour.