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ne pûmes jamais nous décider à aller quérir. Pour cela il aurait fallu se mouiller, ce qui nous aurait valu la grosse pénitence d’être solidement attachés par une corde de laine au pied du grand fauteuil de la bibliothèque. La voile du pauvre vaisseau clapotait tristement sur l’eau, au grand ébahissement des canards qui, le cou allongé, les pattes prêtes à nager, s’étaient effrayés pour si peu. Mais la panique ne durait qu’une seconde, et les coins-coins rassurés se remettaient à barbotter dans la mare tout à leur aise, dès qu’ils avaient vu frémir, puis se torde, quille en l’air, et rester là inerte sur l’eau, la terrible frégate de Jean.

Moi, pendant tout ce temps, je préparais un petit dîner sur l’herbe.

Nos assiettes n’étaient pas coûteuses : quelques feuilles arrachées aux érables qui poussaient en famille devant la maison paternelle. Nos doigts servaient de fourchettes. La nappe se mettait sur nos genoux, et nous croquions frugalement les noisettes du bois voisin.