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Mademoiselle Dax, peu gâtée d’ordinaire en fait de plaisanteries, s’amusa et s’émerveilla. Elle se sentait en confiance : la voix de Fougères, quoique fort câline, avait à chaque instant des inflexions légères ou moqueuses qui rassuraient contre le danger de s’y laisser prendre.

Madame Terrien goûtait le thé d’une moue critique.

— Trop fait !… Voilà ce que c’est que d’attendre les gens en retard. Où étiez-vous donc, vous deux ?

Fougères expliqua :

— Notre muse désirait chercher l’inspiration sur quelque cime vraiment vierge. À moi, homme de prose, ce vœu semblait, si j’ose dire, loufoque… Les Filles de Loth, j’écrirais plus volontiers ça derrière des volets bien clos ?…

Nous n’en avons pas moins ascensionné la Fruitière de Nyon. Treize cent trente-six mètres au-dessus du niveau des basses mers ! Mais là-haut, nous fûmes tristement marris et navrés : c’était plein d’Helvètes, de bestiaux et de touristes.

Madame Terrien rit et s’insurgea :

— Fougères ? si vous mettiez les bêtes après les gens, dans vos énumérations.

— C’est ce que je fais : j’ai dit plein d’Helvètes, de bestiaux et de touristes. Vous n’allez pas prétendre que les touristes sont autre chose qu’un bétail de caste inférieure ? Un troupeau d’abjects moutons, que le snobisme mène à la houlette ! Madame, – il se tourna vers madame Dax en pivotant sur sa pile de coussins, – madame, permettez-moi de vous présenter, à vous