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Mademoiselle Dax n’aimait ni les tramways ni la pluie. Les tramways sont le réceptacle des vieilles dames hostiles qui traitent d’évaporée toute jeune fille coupable de ne point baisser obstinément ses yeux vers la pointe de ses bottines ; et la pluie enlaidit et attriste toutes les choses… comme si la vie n’était pas déjà suffisamment morose, sans que le ciel se mêlât de pleurer !

Traversant l’avenue du Parc, mademoiselle Dax gagna le bord du fleuve. Un peu de fraîcheur courait au-dessus de l’eau rapide, et, sur les quais, les feuilles des marronniers et des platanes bruissaient.

À l’entrée du pont Morand, mademoiselle Dax se retourna vers sa suivante :

— Vous voyez, – expliqua-t-elle, – nous passons le Rhône. Ici, ce sont les Brotteaux, notre quartier ; en face, les Terreaux, où est l’entrepôt de papa. Plus loin, il y a la Saône, et, après la Saône, sur le coteau, Fourvières. Vous vous rappellerez tout ça ?

La femme de chambre arrivait de son village, – Aiguebelle en Savoie. – Le principe de madame Dax était de tirer ses domestiques des trous les plus reculés, « pour qu’ils fussent moins pervertis », et de les renvoyer tous les trois mois, « pour que le séjour de la grande ville n’eût pas le temps de les gâter ». De la sorte, on est peut-être mal servi, mais une maîtresse de maison autoritaire occupe plus agréablement ses instincts tracassiers sur le dos de servantes ignares.

Mademoiselle Dax prit le pont et marcha vite, la Savoyarde trottant sur ses talons. Impossible de