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étaient autour d’elle, dessus, dessous, en avant et en arrière, comme un linceul déjà resserré. Et elle claqua des dents et elle eut peur ; et, au lieu d’avancer, elle recula…

Elle recula jusqu’au quai de halage. Et, debout au bord de l’eau, elle demeura immobile une longue minute. Ses bottines ruisselantes dégouttaient de petites flaques. À la fin, elle se remit en marche, elle suivit la berge, regardant le fleuve comme les pauvres chiens enragés regardent le ruisseau, avec une envie désespérée et une terreur insurmontable. Et elle n’osa pas se jeter.

Elle alla de la sorte jusqu’au premier pont en aval, qui est le pont Saint-Clair. Là, elle comprit qu’elle n’oserait jamais… non, pas plus ici que là-bas… et plus loin pas davantage !… Alors elle se mit à pleurer. Et, abandonnant la berge elle remonta sur le quai.

Un banc était là entre deux platanes. Elle buta contre ce banc et s’y laissa tomber.

Un désespoir suprême l’avait envahie. Elle sanglotait maintenant, à grands sanglots sourds. Et dans le chaos de sa cervelle, une idée atroce surnageait : l’idée que sa vie antérieure, sa vie de jeune fille pas aimée allait recommencer demain comme hier, et reprendre possession d’elle. Car c’était fini, à présent ; elle n’avait pas eu l’énergie de mourir ; il fallait donc vivre ; il fallait se relever de ce banc, retourner vers la maison, rentrer, – remettre la tête dans la cangue…