Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et Fougères songea, ironique :

— Voilà comment je serai dimanche !…

Un besoin de solitude l’envahit. Il tourna dans la première rue de traverse qui s’offrit, – une rue du vieux Lyon, étroite entre des maisons hautes. Sept heures sonnaient. Un petit restaurant montra sa vitrine voilée de rideaux blancs. Fougères poussa la porte, s’assit à une table, et commanda son dîner.


Quand il n’eut plus faim, la couleur de ses pensées n’en demeura pas moins grise. Il ressortit, il erra un temps par la ville, et, sans l’avoir fait exprès, se retrouva sur les quais, absolument déserts après la nuit tombée.

Et il marcha, distraitement, le long du Rhône.

Or, sa songerie fut tout d’un coup rompue par une rencontre singulière. Ayant, au hasard, levé les yeux vers la lanterne d’un réverbère, il aperçut, à six pieds du sol, un homme assez correctement vêtu, et coiffé d’un haut de forme, qui grimpait à la colonne de fonte. Surpris, il fit halte : et l’homme, poli, le salua d’un majestueux coup de chapeau.

— Ah çà ! – dit Fougères, – que faites-vous donc là-haut, monsieur, si j’ose être indiscret ?

— Monsieur, – répliqua l’homme, – je cherche, ne vous déplaise, un billet de théâtre que j’ai malencontreusement égaré.

La voix était pâteuse et le nez rubicond. Fougères sourit et cessa de s’étonner.

— Peste ! – fit-il. – Voilà une perte déplorable !…