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oseriez-vous formuler contre vos parents, à supposer même qu’un enfant pût jamais rien reprocher sans crime à ceux qui lui ont donné la vie et le baptême ? Oui : quel reproche ?

— Aucun, – murmura mademoiselle Dax, très bas.

M. et Mme Dax étaient en effet des parents tout à fait irréprochables, et qui prenaient de leur fille le soin qu’on doit. Mais…

Mais mademoiselle Dax, exigeante sans doute, soupirait obscurément après d’autres tendresses, moins efficaces, moins prouvées, plus douces…

Et toujours accroupie sur le prie-dieu, elle regardait son directeur. Elle avait des yeux très grands et très noirs. Immobile et pensive, elle semblait un petit sphinx s’efforçant de déchiffrer sa propre énigme…

— N’oubliez pas, – continuait l’abbé Buire, – n’oubliez pas la dernière marque de cet amour que vous ont prodigué vos parents : vous êtes fiancée, et fiancée selon votre cœur. Pour assurer votre bonheur d’épouse, vos parents n’ont pas même attendu que vous eussiez vingt ans. Prévoyants, vigilants, ils vous ont cherché à loisir un mari parfait. J’entends encore votre mère répéter à moi-même qu’elle n’accepterait pour vous que le plus honnête homme de Lyon. Cet homme, on l’a trouvé. Et malgré toutes les garanties qu’il offrait, on a voulu votre assentiment, votre volonté libre. On ne vous a contrainte en rien. Vous avez dit oui. Eh bien ?…

L’abbé Buire s’interrompit. Il faisait chaud. Par la fenêtre entre-bâillée, nulle fraîcheur n’entrait dans la