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leurs feuilles éparses et frissonnantes dans la brise. Une clairière en rectangle figurait le jeu de boules. Une cabane était à un bout, un banc rustique à l’autre.

— En été, – expliqua M. Barrier, il fait frais ici à toute heure du jour. L’an prochain, vous y apporterez votre ouvrage l’après-midi, et quand je rentrerai le soir de Lyon, c’est ici que je monterai vous retrouver… vous embrasser.

Ils s’étaient assis sur un banc. Pensive, mademoiselle Dax, du talon de sa bottine, traçait sur le sable un sillon courbe.

Une émotion singulière naissait en elle. Des souvenirs flottaient dans sa mémoire, des souvenirs confus dont l’un tout à coup se précisa… Ce n’était pas la première fois qu’elle se trouvait ainsi, parmi de grands arbres et du silence, seule à seul avec… avec un homme… Du sang monta à ses joues.

M. Gabriel Barrier s’était tu. Par une contagion mystérieuse, lui aussi se rappelait, en cet instant, une aventure qui avait eu pour cadre cette clairière… Oui, c’était ici même, sur ce banc, que, deux ans plus tôt, la jolie Rita Va-Vite, l’ingénue des Célestins, prise à l’improviste d’une fantaisie très inconvenante, avait exigé… oui, sur ce banc !

À son tour, M. Barrier se sentit rougir. Ses artères battaient. De coin il regarda sa fiancée. Elle baissait les yeux, et des gouttelettes de sueur mouillaient sa peau brune.

Bah ! y avait-il tant de mal que cela, à grignoter son blé en herbe ?… Le bras de M. Barrier enveloppa