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vaniteuse, colère, donnait bien çà et là quelques baisers, mais beaucoup plus de bourrades. Et la pauvre Alice, ballottée de froideurs en rebuffades, n’avait même pas la ressource affectueuse de son frère, petit être fort sec qui drainait égoïstement à son profit tout le maigre courant des tendresses paternelles et maternelles, et n’aimait, lui, que lui-même.

« Toujours pareil… »

Deux mots lourds de quotidiennes tristesses, de menues meurtrissures, de larmes et de morne ennui…

Mademoiselle Dax ne se plaignait pas souvent de son sort revêche. À qui se plaindre, d’abord ? L’abbé Buire, confident unique, était trop homme de Dieu pour compatir volontiers à des infortunes de la terre. Le Christ n’est-il pas là, pour nous consoler de tout ce qui n’est pas Lui ? Et puis mademoiselle Dax, candidement honnête, n’était pas bien sûre qu’il n’y eût pas de sa faute dans son malheur. Guère aimée… mais guère aimable, peut-être ?…

Pourtant elle se plaignait un peu ce jour-là.

— Je sais bien que je n’ai pas grand’chose pour plaire aux gens ! Je ne suis ni jolie, ni spirituelle, ni amusante… Et j’ai mauvais caractère : on ne peut rien me dire sans me faire pleurer ! Tout de même, ils sont durs pour moi…

— Alice !…

L’abbé Buire détestait certains vocables, le verbe « plaire », tout particulièrement, à moins qu’il n’eût pour complément immédiat le substantif « Dieu ».

— Alice !… Il est coupable, et indigne d’une