Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Mais quand vous avez dit que…

— Que j’avais eu… des aventures ? Je ne plaisantais pas le moins du monde.

— Comment ?… mais alors, vous…

— Oui.

Très calme et souriante, mademoiselle de Retz contemplait l’ahurissement épouvanté de mademoiselle Dax. Une longue minute passa.

— Voyons, petite amie, – fit enfin mademoiselle de Retz, quasi maternelle, – n’ayez pas tellement peur de moi !… C’est très vrai, je ne suis plus… ce que vous êtes encore ; j’ai… j’ai dormi avec des messieurs, là !… Mais songez une minute à ceci : que si j’étais « madame », au lieu de « mademoiselle », vous trouveriez la chose toute naturelle, et vous n’en seriez pas scandalisée le moins du monde. Je serais la même Carmen pourtant !…

À cet argument raisonnable, mademoiselle Dax n’opposa pas une syllabe. Mais ses yeux continuaient de s’attacher, avec une véritable frayeur, aux yeux de la « mademoiselle » qui avait dormi avec des messieurs.

— Mais oui ! – insistait mademoiselle de Retz. – Et si vous n’étiez pas la très gentille petite bourgeoise que vous êtes, je n’aurais pas besoin de tant plaider… Tenez, voulez-vous que je vous conte mon histoire, en quatre mots ? Ma mère s’appelait lady Fergus. C’était une Française mariée à un Anglais ; son mari ne l’aimait pas ; elle vivait comme une esclave méprisée. Un jour, mon père, jeune, beau et brave, la rencontra, l’aima et la conquit. Il y eut des trahisons,