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— Ah ! cria-t-elle, c’est mon rêve même !…

Fougères, enthousiaste, s’était levé d’un bond.

Son admiration passait en lui comme un orage, balayant son humeur morose, sa gêne et son trouble. Il oubliait qu’il avait devant lui deux femmes que ses lèvres avaient touchées l’une et l’autre. Il oubliait le rôle qu’il lui fallait tenir entre elles, – le rôle distrait et maussade qu’il avait tenu la journée entière. – Tout cela comptait bien peu auprès de la divine émotion d’art qui précipitait les battements de son cœur. Qu’importait Alice ! qu’importait Carmen ! qu’importait aucune chose du monde ! L’air était encore palpitant d’échos harmonieux. Fougères s’élança vers mademoiselle Dax et la saisit par la main :

— Hein, – dit-il, – quelle sorcellerie ? Le monsieur qui a fait ça, on devrait le brûler en place de Grève !… Vous l’avez entendue, sa chanson en spirale, – le motif de l’amour des filles de Loth ! – On en suffoque d’indignation, la première fois ; on a envie de crier au viol et d’appeler la police des mœurs !… Mais après, comme il vous adoucit, comme il vous rassure, comme il vous calme ! comme il vous retourne vos principes moraux, tels des gants de fil ! La chanson en spirale ? vous finissez par la trouver sage comme une image et vertueuse comme la sainte Vierge ! Pourtant, c’est la même chanson, identique : – la chanson de l’inceste !…

Très rouge, mademoiselle Dax inclina la tête. Le mot inceste n’était pas dans son vocabulaire. D’ailleurs, la musique de Gilbert Terrien l’avait étonnée