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confronté à d’autres hommes, nous procure un moyen d’en retrouver le sublime esprit. Ici le discoureur prend conscience de soi, se représente qu’il ne vient pas apporter la vérité, mais confesser l’incertitude où aussi bien que les écoutants il est d’elle, lui leur miroir comme eux le sien, miroir cette fois intègre. À la fois que la sienne c’est leur confession qu’il essaie, et de cette conscience commune, de cette communion d’humilité une fierté plus belle jaillit, celle d’avoir peut-être effleuré de cette vérité quelque rayon perdu, celle surtout de l’effort vers elle tenté. Ainsi tous y gagnent le respect de soi, le respect d’un tel efforcement vers l’inatteignable vérité, efforcement qui figure à la fois que toute sa misère, toute la grandeur de l’être humain. Respecte ta main, respecte ton effort, voilà tout ce que je venais dire, et maintenant, sur cette parole proférée, mon discours se devrait clore, tant cette vérité évidente, tant cette banalité surpasse tous ses commentaires. Je poursuis cependant, mais non pour commenter : seulement aux fins de satisfaire à l’engagement que j’évoquais, l’engagement intérieur qui nous unit dès cette minute, de se maintenir dans ce réciproque respect de soi.

Respecte ta main ! oh, je voudrais enfermer dans cet appel, dans ce cri, toute ma force persuasive, tout mon débile pouvoir ! C’est là la vérité que je venais dire ; vous la connaissez bien, vous la connaissez tous : elle est vieille comme le monde, et c’est le sort de toutes les grandes vérités ; et c’est donc leur sort aussi qu’elles font toutes si bien corps avec nous-mêmes, que nous n’y songeons guère plus que nous ne songeons à respirer. Mais, respirer, notre nature s’en préoccupe pour nous : pourquoi sa cruelle sollicitude ne se pousse-t-elle pas plus outre que pourvoir à nos nécessités immédiatement animales ?

Peut-être est-ce pour notre bien : à quoi bon cette insolente recherche de la vérité ? Mon Dieu, je parle d’elle, j’ose même parler en son nom, et en quoi elle consiste, au fond nous n’en savons rien. Mais nous savons du moins qu’elle existe, et pourquoi le savons-nous ? par cette perpétuelle tension vers elle, tension de nous tout entiers : nous savons qu’elle existe par le besoin qui nous dévore d’elle, ce besoin